Et le pire arriva

Vous pouvez nous en parler ?
Nous avons déménagé à Noël 2000, mes parents ayant eu une mutation sur New-York. Nouvelle vie, nouveaux amis et nouvelle école. J'étais heureux de pouvoir voir autre chose, même si je savais que ma vie dans l'Ohio me manquerait. Les mois défilaient et tout se passait bien.

Jusqu'en Septembre 2001 …
Jusqu'en Septembre 2001. Les attentats du 11 Septembre ont eu raison de nous. Mes parents étaient dans l'une des tours qui se sont écroulées, faisant au passage des milliers de morts. Ils en faisaient partis. Ce jour-là, ma sœur et moi-même sommes devenus orphelins.

Qu'avez-vous ressenti à ce moment-là ?
De la colère et énormément de haine. Puis, cette aversion a laissé place à la tristesse. Ma sœur a tout de suite été dévastée par la tragédie. Ce jour-là, je me suis juré de la protéger et de prendre soin d'elle comme mes parents ont toujours fait pour nous.

Vous avez été placé en orphelinat.
N'ayant pas de famille proche, c'était ce qui a été décidé pour nous. Par chance, nous n'avons jamais été séparés. Nous avons d'ailleurs pu avoir une chambre rien que pour nous. C'était un petit lot de consolation par rapport à notre situation. Être orphelin à 7 ans n'est pas une situation facile à vivre.

S'en sortir est devenu le mot d'ordre

Comment se sont passés les années qui ont suivi ?
Sans grandes difficultés. Charlie et moi, nous nous serrions énormément les coudes. J'essayais d'être le plus fort des deux mais il m'arrivait de craquer, tard dans la nuit. A notre arrivée à l'orphelinat, j'avais pris la première grande décision professionnelle de ma si jeune vie : rendre justice aux victimes de cet attentat atroce. A partir de ce moment-là, je voulais devenir militaire. J'ai donc commencé à faire du sport, notamment de la course à pied et du vélo. Puis, s'est enchaîné la musculation, la boxe, le taekwondo, le jujitsu et bien d'autres sports.

A vos 16 ans, vous avez décroché un petit boulot dans une salle de sport.
Effectivement. Je donnais quelques cours collectifs les dimanches matins. Certains vont la messe, d'autres à la salle de sport (Rire) Cela m'a permis de m'ouvrir aux autres. C'est d'ailleurs à ce moment-là que j'ai demandé mon émancipation et ainsi pouvoir travailler à temps complet dans cette salle. Je voulais me gérer tout seul et ainsi sortir de cet orphelinat.

Et votre sœur, qu'en a-t-elle pensé ?
Elle avait peur que je la délaisse. Mais elle savait au plus profond d'elle que cela ne se serait jamais passé. Quand les papiers ont été signé et que je vivais dans mon appart, je suis allé la voir tous les soirs pour l'aider à faire ses devoirs. Cela l'a rassuré.

Avec tout ceci, vous avez arrêté vos études ?
Officiellement, oui. Officieusement, une de nos professeurs me photocopiait tous les cours auxquels je participais et en aidant Charlie faire ses devoirs, je suivais parfaitement le cursus de secondaire. J'ai passé mon bac en candidat libre et je l'ai eu avec une mention.

Et vous êtes entré dans l'armée. Pourquoi avoir attendu d'avoir votre diplôme?
Parce qu'il était plus qu'important pour moi d'y arriver. Je voulais montrer à mes parents que nous étions capables de nous gérer seuls et que nous pouvions faire quelque chose de notre vie. Je sais que, de là où ils sont, ils peuvent être fiers de nous.
J'ai aussi attendu parce que je ne me sentais pas encore totalement prêt. Je voulais avoir une certaine maturité et une confiance en moi assez grande pour pouvoir me lancer dans l'aventure.

Dernière question : où en êtes-vous maintenant ?
Cela fait maintenant deux ans que je suis militaire. Je grimpe tout doucement les échelons. Je prépare même un concours pour devenir sous-officier. Je profite beaucoup de mon temps libre pour faire connaissance avec mes coéquipiers. Je passe du bon temps avec certains. Au sinon, ma sœur et moi vivons sous le même toit, à Santa Barbara. C'est là qu'elle continue ses études d'ailleurs. Je vous avouerai que je suis très fier de ce que nous sommes devenus. Peu importe ce que les autres pensent.