Shawn posait ses yeux bleus sur son café. La façon dont le sucre se dissolvait dans le liquide était fascinante. Des fois il pouvait passer des heures à regarder ce phénomène se produire. Il avait tendance à préférer s'intéresser à ce genre de détail que prêter attention au monde autour de lui avec sa dureté, sa violence et aussi son mystère qui le fascinait tant. En ce moment, il avait un peu l'impression que le temps s'arrêtait et il aimait cette sensation. Il ferma les yeux, un reflex sans doutes. Il paraît qu'une fois un sens retiré les autres se retrouvent surdéveloppés. C'était le moment de se laisser porter par le bruit autour de lui, d'imaginer les conversations, de se souvenir vaguement de quelques visages...Il avait l'habitude de faire ce genre de choses.

Il prit le temps de souffler et de repenser à ses souvenirs, incontestablement fiables. Avec une mémoire comme la sienne, il n'y avait pas à douter. Il tenta de replacer les clients. Il se souvint de cette jeune femme à sa gauche, les mains plongés dans son sac, cherchant nerveusement son portable. Ses ongles étaient rongés, sûrement à cause du stress...Pourquoi ? Il ne savait plus vraiment. A en voir l'état de ses dents, il aurait dit une fumeuse souhaitant récemment arrêter... Il se concentra, oui, il pouvait se rappeler le tas paquets de chewing-gum dans son sac et à moins qu'elle en face un trafic particulier, cette solution lui paraissait assez évidente.

Il passa à quelqu'un d'autre, l'homme au costard. Avec sa veste un peu trop grande et son pantalon d'une matière, clairement peu raffinée. Il voulait sans doutes se faire passer pour cet homme d'affaire,toujours débordé, habillé en Armani ou autres type de vêtements élégants. Tout ceci n'était qu'une mascarade et le verre d'eau sur sa table le prouvait. Ce n'était pas une petite bouteille ou de l'eau cristalline, simplement une sorte de gourde qu'il avait rempli depuis chez lui. Baissons les masques, voulez-vous? Enfin, si celui-ci arrivait à se convaincre de son importance dans la société, pourquoi pas...mais faudrait-il lui répéter que l'habit ne fait pas le moine et que l'arrogance ne vous rend pas plus respectable.

Il ouvrit les yeux, des fois Shawn avait envie de se lever et de hurler au monde la vérité, pas vraiment parce qu'il trouve ça bon, mais tout bêtement parce qu'il avait besoin de prouver aux autres à quel point ses capacités étaient extraordinaires. Il ne veut tout simplement que de l'attention, c'est trop demandé ? Enfin, il n'était pas égoïste au point de briser les autres et de les afficher pour son bonheur personnel.

Il finit par fixer la carte, il ne savait même pas pourquoi elle était encore là celle-là...Après tout il avait déjà commandé son breuvage et il ne voyait pas ce qu’il pouvait vouloir d’autre à boire. Il soupira, avant de commencer à goûter ce fameux café. Toujours aussi excellent que dans ses souvenirs...Tandis qu’il arrivait à se concentrer sur ses actions et à ne pas penser aux autres, il entendit une voix familière.

Il ne savait pas d'où, mais elle lui disait vraiment quelque chose, sauf que contrairement à d'habitude, il ressentait une certaine peine dans celle-ci. Il regarda d'où provenait le son. Une jeune femme, semblant un peu perdue, parlait à un serveur. Jusque là...rien d'anormal. Le problème, c'est que cette silhouette ne lui disait rien. Il décida de prêter plus d'attentions à ce personnage. Elle avait l'air nerveuse, c'est la façon dont elle tirait sur son bracelet “AC/DC” qui lui laissait penser ça. Une amatrice de rock? Pourquoi avait-elle alors si mal, si renfermée sur elle-même? De son expérience, les rockeurs avaient tendance à plutôt bien s'assumer. Il vit ses jambes croisées, puis décroises…Pourquoi exprimer un certain agacement désormais….ou était-ce une expression de gêne...de remordsc? Peu importe la raison, la jeune femme était dans un sale état, un mélange de nostalgie et de mélancolie. Il devrait aller la voir, lui dire quelques mots rassurants ou simplement changer de sujets. Pourquoi ne le faisait-il pas alors ? La trouille de faire ressortir encore plus de tristesse chez les autres sûrement… C'était bien un des seuls cas dans lequel Shawn se sentait apeuré. Il n'arrivait pas à prédire ce qui allait se passer et ça l'inquiétait plus que tout.

De toute façon il n'allait pas se présenter comme une fleur sans raisons et…..Oh...ça y est...Comme un éclair, comme un orage le foudroyant sur place il finit par se rappeler de cette personne. Carma...non Carmen, oui Carmen...la secrétaire du poste de police. Pour une coïncidence s'en était une belle, se souvenir de ce détail à cet instant parfait était un miracle. Il ne réfléchit pas plus longtemps. Aujourd'hui, il n'avait rien à faire, alors autant aider quelqu'un à se sentir mieux. Il se leva pour se diriger à sa table.

- Bonjour, je ne crois pas que vous vous souvenez de moi...Shawn Spencer, consultant médium pour le SBPD...vous êtes bien la secrétaire...comment allez-vous? Ce n’est pas Carlton Lassiter qui vous a mis dans cet état j'espère.

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Shawn regarda la jeune femme avec attention. Au moins elle était honnête et assez intelligente pour réaliser à quel point se montrer hypocrite serait stupide. Il admirait cela, lui n’avait pas vraiment cette force à vrai dire. Il vit la chaise vide en face de la secrétaire. Attendait-elle quelqu’un? Il pouvait voir à la façon dont elle ne semblait pas spécialement gêné qu’il vienne lui parler, ou alors le fait que son ton ne laisser pas savoir une certaine haine ou impatience à son égard. Elle ne chercha pas à le faire fuir et avec son humeur triste, il se doutait que personne n’allait venir la sauver. Lorsque vous attendez l’aide d’un ami cher, vous n’êtes pas dans ce genre d’état à remettre votre vie en question, vous attachant aux objets les plus proches de vous que ce soit des bijoux ou une simple tasse de café. Il laissa tomber un regard sur le bracelet qui avait sans doutes pour Carmen une valeur symbolique, un cadeau? De son mari peut-être? Cela semblait être assez personnel, ce venait forcément d’une personne qui comptait pour elle. Il glissa un discret coup d’oeil à sa main, encore un peu tremblante de la tristesse qui emparait sa propriétaire, aucunes alliances, donc pas mariée. A moins que celui-ci soit mort et que le bracelet lui appartenait...Non, non, dans ce cas elle aurait probablement gardé la bague à son doigt. Enfin il restait sur cette piste, mais ce n’était pas vraiment la question qu’il s’était posé initialement.

La chaise était-elle libre? Selon ses calculs, oui et elle le resterait pour un petit moment.

- Je peux m’asseoir, demanda-t-il tout de même par politesse avant de s’emparer de la chaise comme un voleur, sans attendre la réponse de sa voisine.

Shawn prit une légère inspiration avant de regarder autour de lui, c’est vrai que les paysages aux alentours étaient vraiment à couper le souffle. Ce n’était que le centre ville, pas spécialement extraordinaire et pourtant, tout était différent des autres villes américaines, tout d’abord parce qu’il n’y avait pas d’immeubles, mais aussi parce que c’était la sienne, là où il avait grandi.

- Comment ne pas se sentir bien dans une ville pareille?

Il sourit à la jeune femme. Même si la plupart des personnes avaient tendance à penser qu’il ne s’intéressait pas à autrui, c’était en général faux, en tout cas pour le cas présent ça l’était totalement. Il ne connaissait pas vraiment la secrétaire, mais ses yeux l'appelaient à l’aide et la disparition du sourire radieux dont il se souvenait, l’attristait. Il voulait vraiment, sincèrement, lui remonter le moral. Et pour cela, malgré toute la curiosité qui lui rongeait l’esprit, il se retiendrait de poser une seule question concernant la cause de sa tristesse...blagues non comprises bien sûre. Shawn avait pour passion de faire passer Carlton Lassiteur comme le loup solitaire, agressif et dangereux du bureau, pourtant il était un des premiers et même des seuls à savoir à quel point Carlton était capable d’être attachant et généreux.

- Il n’y a donc que moi qu’il déteste? s’exclama Shawn en riant à demi, mimant un air déçu, au fond de lui, il était bien certain que le lieutenant Lassiteur l’adorait, il adorait le narguer avec ce genre de réflections d’ailleurs.

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