Comme l'écho d'une première rencontre

Je n'arrivais pas à croire que cela faisait déjà un mois que j'avais emmenagé dans cette ville. Les jours s'étaient déroulés à une vitesse impressionante, je ne les avais pas vu passé.

Aujourd'hui ne différait pas des autres. C'était le soir et j'avais encore passé une exténuante journée au laboratoire, situé dans l'hôpital de Santa Barbara, à étudier les comportements de cette nouvelle espèce de fourmi présente uniquement dans la région. L'idée d'être un des premiers entomologistes a posé les yeux sur de nouvelles espèces d'insecte me remplissait toujours d'une énorme excitation.
Seulement, cette soirée-là, ce sentiment d'excitation était mélangé à une légère mélancolie. Cette mélancolie ne m'était pas inconnue, bien que je l'ai toujours mise de côté. C'était comme si ma passion en elle-même ne me satisfaisait pas, comme si elle ne comblait pas tout à fait un vide en moi.

"Ou peut-être que c'est juste dû au fait que je me sois encore paumé, putain", pensais-je.
"Ca fait déjà une semaine que j'habite dans ce quartier, je peux pas continuer à me perdre chaque soir !"

Car oui, aussi honteux que cela puisse paraître, ce n'était pas la première fois qu'il m'arrivait de m'égarer en tentant de rentrer du laboratoire. Mon sens de l'orientation devait être défaillant parce qu'aucun des endroits que je voyais autour de moi ne me revenaient en mémoire. Depuis mon enfance, j'avais toujours eu du mal à me souvenir des lieux qui étaient pourtant censés m'être familier. Les mélodies et les sons ont toujours été les choses laissant une trace en ma mémoire.

Et, justement, je perçus une magnifique mélodie de piano jouée non loin de là où je me trouvais. L'air vint se méler à la légère mélancolie que je ressentais en moi.
"Ah, bien sûr ! Beth !", pensais-je. Lorsque je m'étais perdu la première, cette jeune fille avait accepté de me diriger vers chez moi. Nous avions fait légèrement connaissance en ce jour-là. L'idée même que cette embêtante situation pourrait se dérouler à nouveau m'embarrassait.

Pourtant, je n'avais vraiment pas le choix. La réalité de la situation c'est que je m'étais encore paumé. Prenant mon courage à deux mains, je suivis la mélodie des oreilles et me rendit sur le pas de la porte de chez Beth. J'effectuai ensuite deux minables quasi-inaudibles coups sur cette porte.
"...B-Bonjour, est-ce que quelqu'un est là ?...", bafouillai-je, tout en regardant mes pieds. Tout ceci était ridicule. Oui j'étais de nouveau présent devant chez elle pour obtenir une direction, telle était la situation. Il fallait que je m'y fasse.

Comblé d'aplomb, j'étais bien déterminé à vaincre ce manque de confiance qui me torturait depuis mon plus jeune âge. Je frappai donc la porte une nouvelle fois, cette fois-ci avec deux violents coups qui la firent trembler.

"Oups", pensais-je "C'était peut-être un peu trop fort."

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Comme l'écho d'une première rencontre

J'étais totalement embarrassé. Non seulement je la dérangeais une seconde fois pendant une de ses sessions de piano mais en plus, mon arrivée fracassante me restait en tête.

Pourtant, voir le visage souriant de Beth me réchauffait le coeur. Peut-être étais-je seulement ravi de savoir que cela ne l'embêtait pas de m'accueillir chez elle une nouvelle fois?

"Et bien, je suis gêné...", lui dis-je, les yeux craintivement rivés sur le fond du verre d'eau qu'elle m'avait gentiment donné. "Je me suis encore perdu dans le quartier... Je sais que ça fait un mois que j'habite ici et que je suis censé connaître mon chemin depuis le temps mais... Ce n'est pourtant pas le cas."

Ma phrase fut interromptu par une légère toux. Marcher à l'extérieur dans le froid m'avait donné un mal de gorge. Je bus une gorgée d'eau et continua, levant les yeux vers Beth : "En passant dans le coin, j'ai entendu une mélodie au piano et je me suis rappellé que vous habitiez dans le coin. Peut-être, si cela ne vous dérange pas, que vous pourriez m'aider à retrouver mon chemin une deuxième fois...".

Mon regard fuit le sien pour se réfugier sur le verre d'eau. Qu'est-ce que cette situation était inconfortable !

"Vraiment? Deux fois? Tu t'es perdu deux fois au même endroit, Pete? Quel con tu fais !", pensais-je.

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Comme l'écho d'une première rencontre

Je pris le café que Beth me donna et la remercia d'un signe de la tête, les mots eux-mêmes ne voulant pas sortir de ma bouche. C'était évident que l'incommodité que j'ai en présence des femmes ne m'aidera pas durant cette conversation. J'avais juste une envie, c'était de m'éclipser le plus vite possible. Cette situation était beaucoup trop embarrassante.

Cependant, la serviabilité de Beth m'obligeait à rester. Je m'assis donc dans un de ses confortables fauteuils et commençai à lui parler.

"Et bien... J'aime beaucoup Santa Barbara. Cette ville me rappelle un peu San Francisco. C'est toujours animé...", lui dis-je, le regard fixé sur le fond de la tasse de café que j'étais en train de tenir. Je bus une gorgée de café et continuai. "Et cette nouvelle sorte de fourmi... Elle m'interesse énormement. Elles m'ont beaucoup occupé durant ce mois-ci..."

Je pris conscience que je ne lui avais jamais dit que j'étais entomologiste, elle ne savait probablement aucune idée de ce que j'étais en train de lui raconter.

"Ah ! Oui, car je suis entomologiste !", m'exclamais-je en haussant le ton et levant la tête vers elle. Son air surpris me fit réaliser que j'avais sûrement parler un peu trop fort. Oups.

"C'est... Je bosse avec des insectes... Enfin, je veux dire, je bosse sur les insectes... Mon métier est d'étudier leurs comportements... Euh...", bafouillais-je, mes explications accompagnées de gestes manuels tout aussi énigmatiques.

C'était catastrophique et je m'en rendais bien compte. Le visage de Beth representait bien l'incompréhension qui devait se passer dans sa tête. Voulant échapper à cette ignoble situation, je fis une tentative de changement de conversation.

"E-Et vous ? Comment est-ce que votre mois s'est déroulé?", demandais-je.

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Comme l'écho d'une première rencontre

"Vous donnez des cours de musique ? C'est super !... Je vous ai entendu jouer deux fois maintenant et j'ai beaucoup apprécié ce que j'ai entendu. Vous avez beaucoup de talent, c'est le moins qu'on puisse dire", répondis-je, plus sûr de moi, ce auquel Beth acquiesca, le visage toujours souriant. J'ai l'impression que mon compliment l'avait touché. Peut-être que je me trompais.

Puis, plus un mot.

Je bus une gorgée de mon café, les yeux baissés, tandis qu'elle regardait autour d'elle comme si elle était en train de découvrir sa propre maison. Je me rendais bien compte qu'une de mes pire hantises était en train de s'intaller : un silence inconfortable. Le genre de silence qui ne dure que quelques secondes mais dont j'ai l'impression qu'il dure une éternité. De nombreuses pensées traversaient mon esprit.

"Je suis con, j'aurais dû continuer à lui parler de ses talents musicaux... J'aurais dû lui en demander un peu plus sur son voyage au Japon... Comment est-ce que j'enchaîne après ça ?". Toutes ses questions passaient dans ma tête et m'empechait de prononcer un seul mot, ce qui ne faisait que prolonger cette épouvantable situation. J'étais bien conscient de cela et mes idées commençaient à devenir de plus en plus négatives. "Pourquoi est-ce je ne parle pas ? Qu'est-ce qui se passe ?! ...Foutu cerveau à la con, fais-moi parler ! Arrête de penser et fais-moi parler !..."

Ce moment m'était familier. Je savais qu'il n'y avait qu'une seule issue logique à ce problème : je devais fuir au plus vite. Beth était bien trop aimable pour m'ordonner de quitter sa demeure, je devais prendre cette décision par moi-même. Cet horrible silence avait duré bien trop longtemps. Je pris donc mon courage à deux mains et commençai à me redresser de mon siège, laissant s'échapper une toux, comme pour introduire le fait que je m'apprêtai à parler.

"Bon, Beth...", bredouillai-je discrètement, ma voix brisant enfin ce long silence, "je pense qu'il est temps pour moi de part-"

Ma phrase fut coupée court car, pendant que je me levai, la tasse que je tenais en main m'échappa et tomba sur mes jambes, éclaboussant de café mon jean et le beau fauteuil sur lequel j'étais assis. Dans la hâte, j'essayai de rattrapper cette tasse avant qu'elle ne tombe à terre, mais mes mouvements maladroits la repoussèrent plus loin encore. Elle s'écrasa ensuite au sol, la anse se brisant bruyamment sous le choc.

"Et merde", ne puis-je m'empecher de d'émettre.

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Comme l'écho d'une première rencontre

C'était un désastre. Cette suite d'évènement était vraiment désespérante. Plus j'agissais, plus mon désir de me sauver d'ici ne faisait que s'amplifier.

Voyant Beth se lever pour ramasser les dégâts que j'avais causé, je m'empressai de l'aider. Serviable comme elle l'est, elle me demanda de me rasseoir et si le café qui s'était renversé sur moi ne m'avait pas brûlé.

"Non, ça va, ne vous en faites pas...", répondis-je. Cette remarque me fit remarquer l'énorme tâche de café présente sur mon pantalon. "Par contre, mon froc, lui, il est foutu", pensais-je.

Je n'étais même plus énervé contre moi-même, uniquement de la déception s'était emparée de moi. Je pouvais évenetuellement mettre ma maladresse sur le compte de la fatigue, ayant travaillé depuis tôt le matin. Mais pourtant, je refusais cette idée car je savais pertinemment que cela était dû à mon embarras en présence des femmes. "Ca fait trop longtemps que ça dure... Il faut que j'arrive à vaincre ce truc", pensais-je, le regard toujours baissé en direction de mon jean. C'était décidé, je devais partir.

Beth partit jeter la tasse brisée et revint avec un torchon, que je pris en vitesse, l'arrachant presque de ses mains. Je frottai ensuite la tâche de café, sans que cela ne change quoique ce soit. Ce jean était définitivement foutu.

La honte m'envahissait, je ne pouvais plus la regarder dans les yeux. J'avais cette idée fixe que je devais quitter les lieux en vitesse. Je posai donc le torchon sur le fauteuil et fila brusquement en direction de la porte.

Cependant, pendant que je m'apprêtais à sortir, une pensée me fit m'arrêter net en face de la porte.

"Je ne lui ai jamais demandé comment faire pour rentrer chez moi", pensais-je.

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Comme l'écho d'une première rencontre

Alors que je m'apprêtais à partir sans même avoir reçu les indications que j'étais venu chercher, Beth essaya de me retenir et me proposa de me raccompagner chez moi, chose que je n'aurai pas refusé en temps normal.

Néanmoins, le fait était qu'une idée fixe obstruait mes pensées : détaler d'ici. Après ce qui s'était passé je ne pouvais plus la regarder dans les yeux, j'étais bien trop gêné.

Et je pense que cela se voyait sur mon visage, car elle comprit vite que m'accompagner n'allait pas être possible et m'indiqua obligeamment le chemin qui me mènerait vers chez moi (chemin que j'étais trop décontenancé pour garder en tête correctement). "C'était bien aimable de sa part, surtout après le bordel que j'ai foutu chez elle !", pensais-je.

"Ah... Merci", bafouillais-je sur un faible ton. "Au revoir". Beth me répondit d'un signe de la main. Je me dirigeai vers la porte d'entrée et l'ouvris. Voir son visage souriant alors qu'elle refermait la porte me fit me demander si ce qui s'était passé avait été aussi horrible que je me l'imaginais. Mon incommodité envers les femmes ne m'avait encore une fois pas fait de cadeaux certes, mais elle n'avait pourtant pas l'air contrarié.

"Peut-être que tout ça c'est que dans ma tête", pensais-je.

Je suivis le chemin qu'elle m'avait donné, essayant difficilement de me souvenir des indications et rejoignis enfin ma maison. En cherchant mes clefs dans ma poche, je faisais un bilan de ma soirée dans ma tête.

"Bah", pensais-je tout en ouvrant la porte, "ça aurait pu être pire".

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